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« En tant que norme sociale, les mutilations génitales féminines (MGF) représentent un défi majeur »
06 juin 2024
Souleymane Camara Juriste de formation, chef de section « Convention et loi » à la Direction nationale de la Promotion féminine et du genre au sein du ministère de la Femme, des Enfants et des Personnes vulnérables, Souleymane Camara est aussi le point focal du Programme national pour l’accélération de l’abandon des mutilations génitales féminines (MGF).
Cet « homme modèle » participe activement à la mise en œuvre du projet SWEDD, lancé en 2022 en Guinée Souleymane Camara, 55 ans, bénéficie d’une longue expertise acquise sur le terrain. Recruté comme para-juriste en 1998 au ministère de la Femme, il a d’abord pour mission d’améliorer la justice auprès des communautés. « Nous étions déployés dans des centres d’assistance juridique des quartiers de Conakry, pour conseiller et orienter les femmes dans le besoin. Je travaillais dans la commune de Dixinn et j’ai découvert qu’elles avaient des droits non respectés, dans le cadre du mariage et de la succession. Elles pouvaient se faire battre et être congédiées, ce qui m’a révolté ».
Entre 2000 à 2007, il devient le point focal de la Direction nationale de la Promotion féminine et du genre auprès de l’Unicef, chargé de la mise en place des comités régionaux de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW). À partir de 2008, en tant que coordonnateur du Programme national pour l’accélération de l’abandon des MGF, il œuvre avec des acteurs religieux, chrétiens comme musulmans.
« L’ancrage des MGF n’a pas de frontière religieuse », explique-t-il. Dans le cadre du projet SWEDD, il est déjà bien plus qu’un homme modèle prêt à partager son expérience. Il coordonne en effet l’équipe de gestion sur le terrain des cas de violations des droits des femmes et fait du conseil, de l’orientation, de la conciliation et de l’accompagnement pour les femmes. Également chargé de la mise en place en 2022 d’une base de données nationales sur les VBG et les MGF, il supervise le suivi des déclarations publiques d’abandon des MGF et des mariages d’enfants, faites par des districts et des villages sur encouragement des autorités.
« Entre 2021 et 2022, 763 villages ont fait ces déclarations, précise-t-il. Le programme est assorti de comités de suivi des engagements pris, mais aussi de l’identification et de la protection des jeunes filles exposées aux MGF et mariages d’enfants, par le biais des femmes mentors et des hommes modèles dans chaque communauté ».
Aujourd’hui, 53 000 filles non excisées et 28 700 non mariées sont accompagnées par 610 femmes mentors qui veillent sur elles. Beaucoup reste à accomplir, mais Souleymane Camara pointe les dynamiques de changement à l’œuvre. La dernière enquête démographique et de santé (EDS) faite par le ministère du Plan en 2018 présente une prévalence des MGF de 39 % dans la classe d’âge 0-14 ans, contre 94,5 % chez les 15-49 ans. « Comparativement à 2012, ces chiffres marquent une baisse de 6 points chez les enfants et 2,5 points chez les adultes.
Les MFG représentent un défi de taille, en tant que norme sociale présente dans toutes les régions, ethnies et groupes religieux en Guinée. Il faudra sans doute deux générations pour les éradiquer complètement ». Autre point positif : les sanctions sont de plus en plus sévères, la loi de 2000 interdisant les MGF et le Code pénal révisé en 2016 étant appliqués par des juges désormais spécifiquement formés. « Il n’est plus question de s’en sortir avec des peines de prison avec sursis et de petites amendes, se félicite Souleymane Camara. En 2022, plus de 25 personnes ont été déférées et condamnées à des peines allant jusqu’à six mois de prison ferme ».
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